Le potentiel thermique des fleuves

On sait maintenant que les fleuves qui traversent les métropoles sont des réserves d’énergie thermique renouvelable importante. Du fait de sa densité démographique élevée Paris est cependant un cas difficile en termes de potentialité thermique naturelle. Il ressort toutefois  au travers des réseaux existants, à savoir les réseaux associés aux centrales de combustion des ordures (qui générent parfois de l’électricité, aux réseaux d’eau non potable et du réseau d’assainissement (égouts) et également à partir de l’étude ci-dessous qu’il ne devrait subsister aucun doute sur les capacités thermiques d’un fleuve comme la Seine d’assurer la généralisation du chauffage de l’habitat urbain d’une grande métropole comme Paris. On sait en effet avec une bonne approximation que les débits conjugués de la Marne et de la Seine qui se rencontrent à Charenton en amont de la capitale sont en moyenne annuelle de 320 m³ par seconde. En abaissant la température d’un tel débit de 4°C on récupère une énergie sensiblement égale à 320 x 4 = 1 280 kWh en une seconde dans l’environnement naturel. Ceci étant donné qu’il faut fournir environ 1 kWh pour élever un m³ d’eau froide de 1° C.  Hors, 1280 kWh par seconde c’est 1280 x 3600 = 4 608 000 kWh en une heure soit une puissance récupérée dans l’environnement de 4 608 000 kW. On sait que Paris intra-muros c’est 2 millions d’habitants. Si ces deux cours d’eau devait assurer le besoin chauffage de Paris intra-muros plus une zone périurbaine située à l’extérieur du périphérique peuplée également de 2 millions d’habitants, on observe qu’une puissance supérieure à 1 kW est disponible pour chacun des habitants (4 608 000 / 4 000 000= 1,15kW)

On sait aussi que du fait de la densité urbaine importante d’une grande métropole comme Paris chaque habitant occupe une surface habitable assez faible voisine de 25 m². Ceci alors que la déperdition moyenne annuelle par m² habitable, voisine de 240 kWh dans l’habitat ancien mal isolé conduit à un besoin énergétique annuel proche de 6 000 kWh par occupant. Compte tenu du fait que une année c’est 8760 heures, cette énergie correspond à une puissance utile moyenne par habitant de 6000/8760 = 0,68 kW

On observe donc que la nature est généreuse puisque le besoin thermique pour chauffer Paris peut être satisfait par le débit moyen du fleuve alors que l’on sait que le débit instantané en hiver peut atteindre deux fois le débit moyen voire plus. Certains diront que la température dans la Seine pouvant descendre à 5°C en hiver, abaisser de 4°C cette température c’est se retrouver bien près de 0°C et de la glace interdisant tout fonctionnement du chauffage thermodynamique aquathermique. En pratique la chaufferie hybride se sort de ce mauvais pas pour plusieurs raisons :

-  C’est la combustion on l’a vu qui assure le besoin thermique au plus fort de l’hiver

-  Lorsque l’alimentation de l’évaporateur de la pompe à chaleur se fait dans la nappe libre en communication avec la rivière la température de l’eau n’est jamais en dessous de 10°C

-  Lorsqu’il n’est pas possible de forer dans la nappe libre faute de terrain l’alimentation de l’évaporateur de la pompe à chaleur peut se faire par des conduits non isolées circulant dans les égouts ou dans le sous-sol profond ce qui a pour effet d’augmenter la température de l’eau pompée dans la rivière avant qu’elle n’arrive à l’évaporateur de la pompe à chaleur. (La température régnant dans les égouts est généralement comprise entre 15 et 20°C)

En été lorsque le débit de la Seine à l’étiage est beaucoup plus faible un avantage de la chaufferie hybride assurant la fourniture de l’eau chaude sanitaire (ECS) est de refroidir la Seine pour son plus grand bien vu le réchauffement imposé par la centrale nucléaire de Nogent sur Seine. (Comme chacun sait les saumons préfèrent l’eau froide mieux oxygénée)

Les infrastructures avec Paris pour exemple

 

Si l’on devait généraliser ce mode de chauffage pour profiter de ses avantages les infrastructures pour assurer l’acheminement en ENP des chaufferies hybrides seraient moins lourdes qu’on peut l’imaginer.

Particulièrement avec des réseaux d’alimentation en eau non potable mixtes (ENPM) tirant profit de la chaleur contenue dans l’eau géothermale. Ceci aussi compte tenu de la viscosité cinématique de l’eau voisine de 1 centistoke entrainant des pertes de charges très raisonnables autorisant des liaisons proches du km.

Le composant qui prélève l’énergie thermique dans le fleuve

L’évaporateur d’une pompe à chaleur est le composant dans lequel circule le flux thermique le plus important. Le plus important non seulement quantitativement mais aussi par le fait que l’énergie qui est prélevée dans le fleuve est de l’énergie renouvelable et gratuite. L’évaporateur des pompes à chaleur aquathermique peut être constitué d’échangeurs de température à contre-courant à plaques brasées. Des sociétés comme Carrier ont l’expérience de ce genre de composants. Ces échangeurs ont une efficacité thermique élevée et une grande robustesse. Conçus pour la réfrigération et la climatisation, ces échangeurs à plaques permettent l’utilisation des réfrigérants habituellement utilisés dans le circuit interne (Voir le dossier sur les fluides caloporteurs). Adaptés pour assurer les fonctions condenseur et évaporateur des pompes à chaleur ces types d’échangeur de température à contre-courant couvrent des plages de températures importantes et des pressions de service sensiblement 50% supérieures au besoin x valeurs utiles. Ils présentent les avantages suivants pour le chauffage urbain 

-  Extrêmement compacts, légers, faciles à installer

-  Totalement silencieux

-  Faible charge de réfrigérant
-  Sécurité de modulation de la puissance des évaporateurs grâce aux variations de débit du fluide réfrigérant
-  Capacité élevée de la récupération de chaleur 

Ils peuvent aussi couvrir les besoins de transferts thermiques dans des circuits eau eau

 

Nota technique

Le débit des plus gros échangeurs à plaques voisin de 3500 m3/h c’est, si l’on refroidi ce débit d’eau de 4°C,  la possibilité de récupérer dans le fleuve une puissance instantanée Pf  sensiblement égale à 3 500 x 4 = 14 000  kW.

Si Pe est la puissance des compresseurs et Pc la puissance disponible sur le condenseur à la source chaude on peut écrire pour un COP limité à  4 

(Voir lien http://www.infoenergie.eu/riv+ener/LCU_fichiers/RSE-Figures%20explicatives.pdf

et COP théorique de 6 avec 10°C dans le fleuve  et 70°C à la source chaude)

COP = Pc / Pe = 4  et   Pe + Pf  = Pe + 14 000 =  Pc

Soit Pc = Pc / 4 + 14 000  et  Pc = 18 600 kW  avec  Pe = Pc - Pf  = 18 600 - 14 000 = 4 600 kW

Sachant que le besoin en puissance de chauffe maximum par parisien en mode pompe à chaleur aquathermique est voisin de 1kW, un tel composant serait capable d’assurer le besoin de 14 000 occupants. Un arrondissement parisien de 100 000 habitants requérant pourrait ainsi être  alimenté par 8 échangeurs à plaques.

Les performances

Si les chaufferies hybrides devaient se généraliser le principe de la conservation de l’énergie permet de démontrer que la consommation d’énergie finale pour assurer le chauffage des 4 millions d’habitants qui est pour le chauffage de l’habitat compris dans la zone Paris intramuros + couronne périurbaine ne représente que 38% du besoin thermique dans les pièces de vie, la différence de 62% étant de l’énergie thermique gratuite prélevé dans le fleuve ou sa nappe libre.

- Besoin dans les pièces de vie 4 000 000 x 6000 = 24 x 109 kWh (100%)

- Besoin en énergie finale gaz + électricité 0,38 x 24 x 109 = 9,12 x 109 kWh

- Enr thermique prélevée dans le fleuve 0,62 x 24 x 109 kWh = 14,88 x 109 kWh

 

Avec la combustion ou avec le chauffage électrique à effet joule la consommation en énergie finale gaz ou électricité est de 24 x 109 kWh

Elle est réduite avec la chaufferie hybride en mode aquathermique à :

-               0,407 x 9,12 x 109  = 3,7 x 109  kWh d’électricité

-               majoré de 0,592 x 9,12 x 109 = 5,4 x 109  kWh de gaz

Le calcul ci-dessus étant fait pour un complément EnR sous la forme d’une PAC aquathermique dimensionnée pour la moitié de la puissance utile en plein hiver et ayant un  COP moyen de 5 lorsque la chaufferie hybride aquathermique fonctionne en mode thermodynamique.

Voir page 160

 http://www.infoenergie.eu/riv+ener/LCU_fichiers/LT-conservation-energie.pdf

La précarité énergétique et le social

Les chaufferies hybrides améliorent le pouvoir d’achat de l’occupant

1.      Un couple fiscal de deux personnes habitant un deux pièces de 50m² qui se chauffait électriquement avec l’effet joule et un prix du kWh thermique proche de 0,125 €/kWh voit sa facture diminuer de

    12 000 x 0,125 – [(0,155 x 12 000 x  0,125) + (0,225 x 12 000 x 0,075)] = 1500 – 232,5 – 202,5 = 1 065 € (La douloureuse passe de 1 500 à 435 €)

 

2.      Un couple fiscal de deux personnes habitant un deux pièces de 50m² qui se chauffait avec une chaufferie conventionnel au gaz naturel et un prix du kWh thermique proche de 0,75 €/kWh voit sa facture diminuer de

    12 000 x 0,075 - [(0,155 x 12 000 x 0,125) + (0,225 x 12 000 x 0,075)] = 900 – 232,5 – 202,5 = 465 € (La douloureuse passe de 900 à 435 €)

 

Ceci sans préjuger de la répartition du coût des infrastructures

L’aspect fiscal

Hypothèses : Les chaufferies hybrides se généralisent en France et l’état initial est le suivant : 50% se chauffent avec l’effet joule électrique, l’autre moitié avec le gaz naturel

Avec 60 millions d’habitants en France les consommations sont multipliées par 60/4

Avec la combustion ou avec le chauffage électrique à effet joule la consommation en énergie finale gaz ou électricité est donc de  360 x 109 kWh 

Elle est réduite avec la chaufferie hybride en mode aquathermique à :

-     55,5  x 10 kWh d’électricité

-    81 x 109  kWh de gaz. 

Il y a actuellement de nombreuses taxes qui représentent 34% de la facture d’électricité et 21% de la facture de gaz naturel

Il est question d’augmenter encore la fiscalité au travers de l’une de ces taxes appelée taxe carbone (Taxe climat)

Cette taxe est actuellement très faible :

-         TICFE (Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d'Electricité) 0,5 /MWh ou 0,0005 /kWh. Elle correspond actuellement à ½ x 360 x 109 x 0,0005 = 90 millions d'€

-         TICGN (Taxe Intérieure de Consommation sur le Gaz Naturel n’est que de 1,19 €/MWh ou 0,00119 €/kWh.  Elle correspond actuellement à ½ x 360 x 109 x 0,0019 = 344 millions €

Il est question de l'augmenter progressivement. Ce point sera discuté au COP21
Cette augmentation serait progressive dans le temps avec comme objectif une taxe beaucoup plus élevée qui serait basée sur le coût réel de réduction du carbone voisin de 60 à 80 € la tonne

Il faut savoir que :

-         L’électricité c’est 4g de CO2 par kWh selon le célèbre institut suisse Paul Scherrer 

-         Le gaz naturel c’est 242 g par kWh selon l'Ademe

Sur la base d’un chauffage réparti à part égale entre le gaz et l’électricité effet joule, la France émet :

-         ½ x 360 x 109 x 4 x 10-6 = 720 000 tonnes de gaz carbonique par an en raison du chauffage électrique à effet joule

-         ½ x 360 x 109 x 242 x 10-6 = 43 560 000 tonnes de gaz carbonique par an en raison du chauffage au gaz naturel

Soit 44 280 000 tonnes de CO2 au total (sur la base d’un prix moyen de 70 € la tonne pour séquestrer ce carbone c’est donc environ 3 milliards d’€ qui sont en jeu)

Sur la base d’un chauffage à base de chaufferies hybrides elle n’émettait que

-         55,5 x 10x 4 x 10-6   = 220 000 tonnes de CO2 pour le chauffage avec l’électricité effet joule

-         majoré de 81 x 109  x 242 x 10-6  = 19 602 000 tonnes de CO2 pour le chauffage avec le gaz naturel

Soit 19 822 000 tonnes de CO2 au total avec une taxe carbone réduite en conséquence

L’aspect financier

-         Le gain résultant de la diminution du besoin en électricité sur la base d’un prix de revient du kWh électrique à 0,04 €/kWh : 0,04 x (180 – 55) x 109 = 5 milliards d’€  (frais d’investissement)

-     Le gain résultant de la diminution du besoin en gaz naturel sur la base d’un prix d’achat
     du gaz à Gazprom ou aux US (gaz de schiste) également égal à

      0,04 €/kWh : 0,04 x (180 – 81) x 109 = 4 milliards d’€ (devises)
Tous les ans c’est sensiblement 10 milliards d’€ d’économisé pour l’état français

Conclusion

L’étude faite par ce Lutin thermique n’a pas vocation à se substituer à celle des spécialistes. Elle a uniquement pour objectif de prouver que la faisabilité d’un tel dispositif de chauffage est déjà à notre portée technique. Elle montre que la construction des composants essentiels constituant un tel système de chauffage existent déjà ou sont en passe de l’être. Il reste bien évidemment pour la véracité des chiffres de vérifier au niveau des statistiques la répartition actuelles 50/50 entre le chauffage gaz et l’électricité par radiateur électriques mais ce rapport n’est probablement pas très loin de la réalité en France.

La chaufferie hybride c’est à minima et dans un premier temps 55% d’émission carbone en moins. Quand on s’apercevra que les chaudières ne sont plus là qu’en secours et que le chauffage thermodynamique aquathermique se suffit à lui-même ce sera 96% de CO2 en moins par rapport à la situation actuelle ! Nous serons alors uniquement limités dans notre ambition de vivre dans un monde décarboné par le souci français de ne pas dépasser le plafond de 63 GW au plus fort de l’hiver. Ceci alors qu’il devrait atteindre une centaine de GW lors de l’hiver 2017 en se privant. Quant à l’air de nos villes il se trouverait être moins pollué qu’il ne l’est actuellement par les gaz brûlés de la combustion. Le Lutin thermique qui a écrit cette page fait remarquer au lecteur que l’étude ci-dessus a été faite dans le cadre d’une rénovation thermique conservant la mauvaise isolation des bâtis de l’habitat urbain existant.

 

 

Balendard le 27/08/2015