La RT 2012 et les deux coefficients
En raison des erreurs passées,
la nouvelle réglementation RT 2012 parue au Journal officiel est trop
ambitieuse pour pouvoir être appliquée à la rénovation de l’habitat ancien. Une
première conséquence des quelque 1 400 pages qui la composent et du
début de son application dans les logements neufs est la disparition progressive
du chauffage électrique individuelle à effet Joule au bénéfice du chauffage
collectif gaz. Alors que sous l’effet de la réglementation RT 2005 près de
70 % des logements neufs étaient équipés d’un chauffage électrique pour
seulement 30 % en chauffage gaz entre les années 2004 et 2008,
la tendance s’est brusquement inversée sous l’effet de la RT 2012 avec
70 % des logements neufs équipés en chauffage gaz en 2011. On peut dire
que la RT 2012 fait la part trop belle au chauffage gaz au détriment du chauffage
thermodynamique.
Le difficile objectif de la
nouvelle réglementation est de diviser par quatre les consommations provoquées
par les déperditions dans le bâti en améliorant l’isolation. On peut espérer
que l’on parviendra à atteindre cet objectif dans le neuf sans grever encore un
peu plus le prix de l’habitat. Il est malheureusement hors de
portée en termes de retour économique dans la rénovation de l’ancien difficile
à isoler après coup.
Alors que les
approvisionnements en gaz pèsent en 2012 pour 13 milliards d’euros dans le
déficit commercial français et que la combustion du gaz est loin d’être
irréprochable en termes d’émission de gaz à effet de serre, il semble évident
que miser cette fois sur le « tout
gaz » n’est pas la solution. Une des retombées de la RT 2012 dans l’ancien
devrait être l’apparition du chauffage thermodynamique collectif à l’occasion
de la rénovation thermique des immeubles équipés de chauffage électrique
individuel. Avec
un COP de 4, la rénovation de ces immeubles vers le chauffage thermodynamique
permettrait de diviser par quatre leur consommation électrique et d’obtenir
ainsi un résultat comparable aux logements neufs bien conçus en termes de
consommation en énergie primaire. Mais cette fois en jouant sur la génération
et non sur l’isolation. Cette orientation permettrait aussi à notre pays de
sortir du mauvais pas de la RT 2005 et des conséquences désastreuses du
« tout électrique effet Joule » pour notre pouvoir d’achat dans un
habitat ancien mal isolé. Elle permettrait aussi de limiter notablement la
pointe de puissance sur le réseau RTE en hiver. L’investissement de départ,
certes plus élevé, serait rapidement amorti par la diminution des frais
d’exploitation ce qui répond de plus à une urgence sociale.
La température extérieure minimum en hiver
La
température minimum constatée en hiver et les degrés jour unifiés (DJU)
exprimés en °C qui en résultent varient dans notre pays suivant la région
considérée. Il faut de plus prévoir une
correction en fonction de l’altitude de l’ordre de 0,6 °C par
100 mètres de dénivellation. Pour en tenir compte, l’Hexagone a été
découpé en zones climatiques (voir carte ci-après). Deux maisons de 100 m²
habitables, identiques en surface et en qualité d’isolation, situées l’une à
Gérardmer dans les Vosges, l’autre au Cap Corse, n’ont pas le même besoin
thermique. Ceci compte tenu des DJU respectifs des zones dans lesquelles
sont construites ces maisons, à savoir environ 3 800 °C à Gérardmer
avec un hiver assez rigoureux et seulement 1 400 °C au Cap Corse avec
un climat méditerranéen particulièrement clément. La connaissance de la période
de chauffe dans chacune de ces régions, par exemple 230 jours
pour Gérardmer et seulement 180 jours au Cap Corse, permet de
mettre en évidence un ∆T moyen de 3 800/230
= 16,5 °C pour la maison située à Gérardmer et de seulement
1 400/180 = 7,8 °C pour celle du Cap Corse. Les déperditions
vers l’extérieur, 2,11 fois plus élevées pour la maison située à Gérardmer
(16,5/7,8), devant être assurées 1,28 plus longtemps (230/180), cela permet de
mettre en évidence que le besoin thermique annuel exprimé en kWh de la maison
située dans les Vosges sera 2,11 x 1,28 = 2,7 fois plus important. Le
constructeur de maisons individuelles, soucieux par le fait qu’il va devoir
prochainement respecter la RT 2012, peut de se reporter aux pages suivantes
pour comprendre les deux orientations mises à sa disposition pour s’y
conformer.
Zones climatiques. La France comprend trois zones H1, H2, et H3.
- H1 : la zone la plus froide
située au nord-est composée de trois régions a, b, c la région
b centrale étant un peu plus froide que les deux autres.
- H2 : une zone plutôt
tempérée comprenant quatre régions a b et c situées à l’ouest
côté atlantique bénéficiant du rôle régulateur de l’océan avec une région d
bénéficiant en partie du climat méditerranéen.
- H3 : une zone plutôt chaude
en bordure de la Méditerranée et la Corse.
Zones climatiques |
RT 2005 |
RT 2012 |
RE 2020 |
|
Chauffage par combustibles fossiles |
Chauffage électrique |
Valeur moyenne |
Prévision de réglementation dans le neuf |
|
H1 |
130 |
250 |
50 |
14 évoluant vers 6 |
H2 |
110 |
190 |
||
H3 |
80 |
130 |
Ce tableau compare les avancées de la nouvelle réglementation thermique française par rapport à l’ancienne. Il ne
précise pas clairement la forme d’énergie incluse dans la valeur de
50 kWh/m².
Les lutins remarquent qu’il
suffirait de dire qu’il s’agit d’énergie primaire pour amorcer un dialogue
contradictoire favorisant la généralisation de la RT 2012 à la rénovation
thermique dans l’ancien. Ce dialogue a été introduit dans la SWE
Dans ce tableau,
les coefficients de déperdition thermique de l’habitation sont exprimés en kWh
par m² habitable et par an. La valeur moyenne
de 50 devra
être respectée pour la construction des locaux d’habitation neufs à partir de
2013. Jusqu’ici plafonnée actuellement au titre de la RT 2005 à 130 kWh/m²
en moyenne annuelle avec le chauffage gaz et contre toute logique à
250 kWh/m² quand le chauffage est électrique, la consommation maximale
moyenne annuelle des nouvelles habitations sera limitée à 50 kWh/m² dans
le neuf. Plutôt que d’utiliser un coefficient tenant compte de la
température extérieure et de raisonner en volume, ce qui aurait peut-être été
plus pratique, le CSTB a reçu pour mission
d’utiliser ce coefficient D en tenant compte de coefficients pondérateurs
prenant en charge les variations de la température moyenne extérieure selon la
zone climatique, de l’altitude du secteur, de l’usage qui sera fait du
bâtiment, ceci en tolérant probablement des déperditions plus importantes pour
les habitations situées dans des zones les plus froides de telle sorte que le
coût de la construction reste dans des proportions raisonnables. Au travers de
ce qui suit, on comprend que ces nouvelles normes ne simplifient pas la tâche
des constructeurs et l’on a du mal à comprendre sur quelle base sont définis
les coefficients pondérateurs. Le m² dont il s’agit ici est le m² SHON qui
comprend, d’après un responsable de l’Ademe, les
parties communes chauffées. Il est regrettable que la RT 2012 ne mentionne pas
clairement si les 50 kWh mentionnés dans ce tableau sont des kWh d’énergie
primaire ou non. Faut-il le redire, un chauffage thermodynamique collectif
ayant un COP de 4 permet de limiter les charges de chauffage d’un immeuble
modérément énergivore à celles d’un immeuble neuf respectant ces nouvelles
normes et ceci sans qu’il soit besoin de financer une isolation coûteuse (*voir isolation à minima). Ceci par le fait qu’un
immeuble ancien modérément énergivore situé en région parisienne (zone
climatique H1a), ayant un coefficient annuel moyen de déperdition voisin de
200 kWh/m², consommerait autant d’énergie primaire que ces futures
constructions neuves chauffées au gaz et respectant les nouvelles normes RT
2012 en agissant uniquement sur la qualité de la génération.
Si l’on prend la région parisienne comme base de
réflexion et si un constructeur construit des logements à l’identique il
devra pour un confort équivalent majorer la puissance de 40% par rapport à la
région parisienne si le logement est situé à Strasbourg. Dans la pratique la RT 2012 lui impose d’adapter
l’isolation au lieu de construction. |
|
Les coefficients d’évaluation du besoin thermique
Le coefficient de
déperdition volumique G* d’une habitation exprimé en Watt/m3
et °C permet d’évaluer le besoin thermique avec plus de rigueur que ne le fait
l’ancien coefficient D, exprimé en kWh/m², prenant en compte la
déperdition thermique annuelle par m² habitable.
Relation entre l’ancien et le nouveau
coefficient
(Pour DJU = 2 300 °C, période de chauffe
de 230 jours et hauteur sous plafond de 2,55 m.)
|
D kWh/m² |
G watt/m3 et °C |
RT 2020 |
0 |
0,00 |
RT 2012 |
50 |
0,35 |
BBC rénovation 2009 |
104 |
0,74 |
RT 2005 gaz |
130 |
0,92 |
HPE rénovation 2009 |
195 |
1,38 |
RT 2005 électrique |
210 |
1,5 |
Ancien mal isolé |
250 |
1,77 |
Ancien très mal isolé |
350 |
2,5 |
En gris clair : la consommation annuelle moyenne du parc immobilier
français se situerait aux alentours de 240 kWh/m².
Le coefficient de déperdition
volumique G fait en effet intervenir la température extérieure
qui a une importance prépondérante dans les déperditions d’énergie puisque la
puissance perdue est directement proportionnelle à la différence entre la
température intérieure de confort et celle régnant à l’extérieur qui évolue
selon la saison et la région. La carte de France des températures minimum de
l’air facilite le dimensionnement de l’isolation à prévoir ou celui de la
génération selon la région française considérée. Le coefficient D
ne tient pas compte de cette notion importante. De plus, on comprend que la
hauteur sous plafond a, elle aussi, une certaine importance la déperdition
augmentant avec cette dernière. Le coefficient G peut varier de
0,5 à 1,5 Watt/m3 et °C et même au-delà (0,4 habitation
bioclimatique, 2,2 très mauvaise). La relation liant l’ancien coefficient et le
nouveau est la suivante :
G = D / (0,024 x DJU
x Hp)
avec :
- nouveau
coefficient G en Watt/m3 et °C et ancien
coefficient D en kWh/m² et par an ;
- DJU
degré jour unifiés de la région en °C ;
- Hp hauteur sous plafond en m.
La
connaissance de G permet de trouver la puissance utile en hiver.
Premier exemple :
Un immeuble ayant une surface
habitable SHON de 5 000 m² situé en région parisienne (DJU
= 2 200) consommant 800 000 kWh annuellement pour le
chauffage et ayant une hauteur sous plafond Hp de
2,5 m a un coefficient D de 160 kWh/m² (sensiblement
inférieur à la valeur moyenne dans l’habitat urbain ancien). La formule
ci-dessus permet d’évaluer la valeur de G.
On trouve G = 160
/ (0,024 x 2 200 x 2,5) = 1,21 Watt/m3 et °C.
Avantages :
l’utilisation du coefficient G
permet :
- De
calculer la puissance utile en hiver. On trouve dans le cas présent :
P
= 1,21 x 5 000 x 2,5 x 30 = 453 750 watts
= 454 kW (Avec DT -10 °C
dehors et +20 °C dedans).
- Il
permet aussi, en introduisant directement la notion de volume et de température
extérieure, de mieux appréhender la consommation de bâtiments identiques ayant
la même isolation mais situés dans des zones climatiques différentes.
Ceci dit, il est aussi possible
de calculer la puissance maximum utile à partir du coefficient D exprimé
en kWh/m² dans une zone climatique donnée. Il suffit d’écrire que la puissance
maximum est égale à la puissance moyenne (D x Sh)/(NBj
x 24) que multiplie le rapport de température entre les conditions les
plus défavorables et celle obtenue à partir des DJU et la période
de chauffe NBj à savoir DT
/ (DJU/(NBj).
On trouve P
= (D x Sh x DT)/24 DJU
où P = (160 x 5 000 x 30)/24
x 2 200 = 454 kW
Ceci pour un DT de
30°C (-10°C dehors avec +20°C dedans)
On retrouve bien la même valeur
ce qui est logique (bâtiment identique avec les mêmes conditions climatiques).
Un autre exemple mais cette fois dans la construction individuelle
Un constructeur reçoit deux
commandes pour la construction de deux maisons identiques standard de
150 m² figurant à son catalogue et ayant une hauteur sous plafond de
2,5 m. La première doit être implantée au Cap Corse, une région au climat
privilégié (DJU = 1 400 avec 180 jours de période de chauffe).
La deuxième dans le Jura, une région française plutôt froide (DJU
= 3 800 avec 230 jours de période de chauffe). À quelles
contraintes techniques le constructeur est-il soumis pour respecter la RT
2012 et les 50 kWh/m² dans ces deux habitations, de telle sorte que
l’énergie utile pour le chauffage soit identique pour les deux logements ?
- Cas
du Cap Corse :
G = 50 /
(0,024 x 2,5 x 1 400) = 0,595 watt/m² et °C
Pour un volume : V = 150 x 2,5
= 375 m3
DTmoyen
1 400/180 = 7,7°C et un DTmaxi de
22 °C (-2 °C dehors et +20 °C dedans)
DTmaxi /DTmoyen = 22/7,7
= 2,85 soit P = 0,595 x 375 x 22 = 4,9 kW
- Cas
du Jura
G = 50 /
(0,024 x 2,5 x 3 800) = 0,21 watt/m² et °C
Pour un volume V inchangé de 375 m3
DTmoyen
= 3 800/230 = 16,5 °C et un DTmaxi de
35 °C (-15 °C dehors et +20 °C dedans)
DTmaxi /DTmoyen = 35/16,5
= 2,12 soit P = 0,21 x 375 x 35 = 2,9 kW
On remarque la classe d’isolation plus coûteuse imposée à
la maison dans le Jura. Paradoxalement, la puissance utile dans la maison du
Cap Corse est plus importante.
Pourtant l’énergie annuelle dissipée vers l’extérieur par
les deux maisons est bien identique et égale à 50 x 150
= 7 500 kWh.
À savoir puisque énergie = puissance x temps = [Pmaxi /(DTmaxi /DTmoyen)]x[NBj x
24]
Pour le Cap Corse (4,9/2,85) x (180 x 24)
= 7 500 kWh
Pour le Jura (2,9/2,12) x (230 x 24)
= 7 500 kWh
Valeurs en accordance avec la
formule Wc = 24 G
V DJU (voir page 137)
Le constructeur de ces maisons peut
légitimement se préoccuper de la classe d’isolation sensiblement 3 fois plus
exigeante qui lui est imposée pour la maison jurassienne du fait de la
réglementation. (Voir les coefficients de déperdition ζ des
parois du bâti exprimés en watt/m² et °C)
À l’occasion de ce dernier exemple les Lutins observent à nouveau qu’il
suffirait de préciser clairement dans la RT 2012 que les 50 kWh /m² concernent
l’énergie sous sa forme primaire pour faciliter et accélérer la rénovation
thermique de l'habitat dans l’ancien et la tâche du constructeur dans le neuf.
Ceci en simplifiant la législation de telle sorte que le constructeur laisse à
l'acheteur potentiel d'un logement neuf la possibilité de choisir entre:
- Une isolation haut de gamme onéreuse associée à une
ancienne génération
- Une génération hybride combustion-enthalpie ayant un COP modeste de 3
associée à une isolation moins onéreuse, disons à minima, se rapprochant de la
RT2005 gaz (130 kWh/m2) Quant à la rénovation thermique dans l'ancien le
lecteur aura compris qu'un investissement socialement responsable ne peut se
satisfaire de la première solution. Il aura aussi compris que cette première
solution est parfois techniquement irrecevable sauf à tout démolir.
Nos hommes politiques seraient-ils déconnectés de la vie
de l’entreprise ?
Les Lutins demandent à nos hommes politiques qui viennent de perdre leur
AAA, de prendre exemple sur l’Allemagne, de modifier les procédures afin de permettre
à l'offre de s'exprimer pour le plus grand bien de l'utilisateur final.
*Les élus de la République logent parfois dans des
logements mis généreusement à leur disposition alors que la chancelière
allemande paie le loyer de son appartement, les factures d’eau et
d’électricité, comme chacun de ses 8 ministres. |
||||||||||||||||||||||||
|