Copropriété : le pessimisme ?

Pour l'association de responsables de copropriétés (Unarc), l'année 2008 s'est révélée décevante pour les copropriétés et le pessimisme prévaut pour 2009. Attentes, défis, enjeux pour la nouvelle année : son directeur, Bruno Dhont, répond à nos questions. Retrouvez également les réactions et point de vue de Serge Ivars de la Cnab.

 

Aujourd'hui en France il y a 7,5 millions de copropriétaires. 70% des copropriétés ne dépassent pas en moyenne 30 logements (source : Unarc). Et pour tous, petits ou grands, 2008 s'est révélée porteuse de débats. Polémique sur les contrats de syndics après la révélation de nombreux abus, charges en hausse, débat sur la présence de gardiens d'immeubles, mise en sécurité des parcs d'ascenseurs, fibre optique... Autant de dossiers qui ne se sont pas refermés avec l'année. Sur tous ces sujets, quelles sont les perspectives pour 2009 ? Un sentiment domine : le pessimisme.

Selon Bruno Dhont, directeur de l'Unarc, association des responsables de copropriétés qui dresse pour Batiactu le bilan de 2008 et les principaux enjeux de 2009, l'année à venir ne s'annonce pas radieuse...

De son côté, Serge Ivars, président de la Confédération nationale des administrateurs de biens, ne masque pas que l'année sera difficile. Mais il se veut optimiste pour l'avenir. Il répond également à la mise en cause de la Cnab par l'Arc.

 

 

Contrats de syndics, charges augmentées, un bilan négatif

 

Batiactu   Quel bilan dressez-vous de l'année 2008 pour les copropriétés ?


Bruno Dhont : D'un point de vue réglementaire, les copropriétés n'ont pas vraiment subi de changements, sauf le report de la première échéance des travaux d’ascenseur que nous avons obtenue. Quant au bilan, il se révèle plutôt négatif. Premier point : les contrats de syndics. Nous avions participé activement à l'avis du Conseil National de la Consommation (CNC) de fin 2007, après la dénonciation de nombreux abus, qui a donné lieu à une incitation à accepter un contrat-type de la part des syndics. Nous avons cherché loyalement à voir s'il était bien appliqué et si les objectifs du CNC étaient atteints. Le résultat ? Un échec sur toute la ligne, voire une situation pire qu'il y a deux ans. A la fois les syndics n'ont pas intégré toutes les tâches de gestion courante et ils ont en plus augmenté leurs honoraires de bases. Par ailleurs, on constate une inflation importante des abus en matière d’honoraires supplémentaires. Tout cela pèse lourd sur les charges des copropriétés ! Nous venons d’ailleurs d’écrire au Ministre Luc Chatel, avec cinq autres organisations de consommateurs et avons publié un communiqué de presse de protestation*. Quant à l'enquête de la DGCCRF sur l'application de l'avis, annoncée pour la fin de l'année, nous l'attendons toujours...


Batiactu : Sur les charges justement, elles ont beaucoup augmenté ces derniers temps...


Bruno Dhont : Les charges augmentent, mais c'est surtout à cause des syndics qui augmentent leurs honoraires et les laissent dériver ! La dernière étude de la Cnab parle d'une faible rentabilité des syndics : nous allons prouver que cela est faux* ! Ils avouent en fait qu'ils font mal leur travail et essaient de nous faire croire qu'en augmentant leurs honoraires, ils deviendront meilleurs. Ils démontrent simplement leur mauvaise gestion, c'est tout. Un de nos objectifs en 2009 est d’ailleurs de muscler le conseil syndical, pour qu'il s'organise mieux et puisse obtenir que son syndic travaille uniquement dans le sens des intérêts de la copropriété, donc de la maîtrise des charges. Nous allons notamment sortir un nouveau guide à ce sujet.

Du côté des prix de l’énergie, nous sommes, là encore, très déçus : pourquoi, alors que les prix du pétrole ont baissé, l'impact de cette baisse sur les tarifs réglementés du gaz ne sera-t-elle pris en compte qu'au printemps ? La vague de froid actuelle pèse sur les copropriétés, avec une augmentation de charges de plus de 20% ! Mais cela, on ne s'en apercevra qu'en 2010, lors de la régularisation des charges de 2009.


Batiactu : Autre sujet de débat en 2008 : les gardiens d'immeubles...


Bruno Dhont : C'est un serpent de mer ce sujet ! Le rapport Pelletier a d'ailleurs fait flop ! Il y a eu un effet d'annonce et c'est tout. On a évoqué certains moyens pour empêcher la disparition des gardiens, mais on ne pourra rien faire contre le fait que si un gardien coûte trop cher, les gens suppriment le poste. Par ailleurs, il faut aussi parler des postes à créer. Or, dans les immeubles nouveaux, la création d'une loge de concierge n'est pas imposée aux promoteurs, ce qui rend illusoire toute création de poste ! En revanche, depuis le 19 décembre dernier, le régime des charges locatives récupérables a enfin changé. Le bailleur peut désormais imputer à son locataire une partie de la rémunération du gardien, dans le cas où il ne fait pas de façon cumulative l'entretien des parties communes et l'élimination des ordures. Avant, il suffisait qu'une de ces tâches incombe à un tiers pour que le salaire du gardien ne soit pas récupérable...


Batiactu : En 2008, le gouvernement a accepté le report de la date de la première vague de rénovation des ascenseurs...


Bruno Dhont : Et l'on continue de demander celui de la deuxième échéance ! La première est repoussée à 2010 suite à notre action, mais l'autre reste fixée à 2013, ce qui est incohérent car les mêmes causes entraîneront les mêmes effets ! On ne pourra pas tout faire maintenant : les ascensoristes n'en ont pas les moyens humains... ni les copropriétaires les moyens financiers.

 

Batiactu : Coût des syndics, des charges, le problème des ascenseurs non réglé... Votre bilan est assez négatif !


Bruno Dhont : Et cela n'est pas près de s'arranger en 2009 ! Nous avons été très déçus et nous sommes très pessimistes pour la nouvelle année. Le gouvernement ne nous écoute pas assez et préfère écouter les professionnels. Quid par exemple des copropriétés en difficulté ? L’Etat s'est désengagé de ce problème en retirant les moyens alloués. Maigre consolation : la Loi Boutin va introduire, à notre demande, une procédure d’alerte.

La seule chose qui aurait pu vraiment changer pour les copropriétés aurait dû venir du Grenelle de l'environnement auquel nous avons activement participé : mais, là encore, le retard s'accumule malheureusement ! C'est le grand défi à venir. Les propositions sont faites, mais tant que cela ne passe pas devant le Parlement, rien ne bouge. Le Grenelle 1 devrait y être discuté au Printemps, le 2 - qui concerne les copropriétés - arriverait ensuite : un an de discussion, l'attente des décrets d'application... Tout cela nous mène en 2011 ! On perd ainsi trois ans par exemple sur la réduction des charges de chauffage, fixée à 38% pour 2020.


Batiactu : Et côté équipements ?


Bruno Dhont : Côté équipements, nous nous sommes battus pour que la fibre ne soit pas imposée de manière obligatoire dans les immeubles, sans que les copropriétaires n'aient leur mot à dire. On attend maintenant le décret d'application de la loi LME à ce sujet. On essaie de défendre au maximum les copropriétaires en tant que consommateurs de ce type de produit, auquel d'ailleurs ils ne comprennent pour l'instant pas grand-chose !

Autre sujet à venir : la vidéosurveillance. Il s’agit d’un problème important, mais nous nous sommes rendus compte que la moitié des immeubles est suréquipée et de manière sur-sophistiquée, souvent pour une fonctionnalité limitée. Cela coûte cher, ce n'est pas très efficace et personne n'en parle ! Nous allons alerter nos adhérents à ce sujet et les aider à améliorer la situation.

 

Batiactu : Le grand défi pour les copropriétés, disiez-vous, est l'environnement : quelles sont vos actions dans ce domaine ?


Bruno Dhont : Nous travaillons sur tout ce qui est efficacité énergétique d’un côté et équipements concernant les énergies renouvelables, notamment les panneaux photovoltaïques ou encore les chauffe-eaux solaires, de l'autre, mais nous avançons avec prudence. L'important est l'objectif final de développement durable et non la multiplication de gadgets. C'est comme pour le tri sélectif, les gens ne s'en préoccupent pas assez. C'est pour toutes ces raisons que nous allons lancer en 2009 un réseau avec d'autres partenaires visant à la création d'"écopropriétés". "Eco" pour "économie" et pour "écologie." Une charte définira les objectifs à remplir, la méthodologie pour y parvenir et précisera comment faire pour mettre en place un plan adapté (en particulier en matière de programmation des travaux). Il y aura également un site internet spécialisé d'échanges par régions, entre "écopropriétés", avec des forums de partages d'expériences, des conseils, etc. C'est le signe d'un engagement fort de l’ARC et des conseils syndicaux sur cette question.


Batiactu : Et si vous pouviez formuler des vœux pour 2009 ?


Bruno Dhont : Que le gouvernement écoute plus les 7,5 millions de copropriétaires que les 10.000 syndics ! Et que le ministère du Logement se rappelle notamment que dans "logement" il y a aussi copropriété...

 

 

 

Interview de Serge Ivars, président de la Cnab : réponses, bilan 2008 et perspectives 2009

 

Le président de la Confédération nationale des administrateurs de biens (Cnab) dresse le bilan de cette année et entrevoit une année 2009 assez difficile d'un point de vue financier, du fait de la crise.

 

Batiactu : Qu'avez-vous à répondre aux associations qui mettent en cause la transparence des contrats des syndics ?

Serge Ivars : Nous avons joué le jeu de l'enquête et de l'accord pris avec le CNC. Nous nous sommes engagés à le respecter, nous l'avons diffusé à l'ensemble de nos adhérents, en leur sommant de l'exécuter. La DGCCRF (Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes, NDLR) a fait une première étude qui a montré que près de 89% des contrats étaient conformes. Un chiffre tel que l'administration, elle-même surprise, a engagé une nouvelle enquête. Nous continuons sur notre lancée : cette première évalutation a montré que le travail effectué a porté ses fruits.

Batiactu : Quel bilan faites-vous pour les copropriétés sur l'année écoulée ?

Serge Ivars : Premièrement, comme je le précisais, l'enseignement essentiel global est qu'il y a eu un effort important des professionnels pour jouer le jeu de la transparence et de la clarté. Ensuite, diverses enquêtes régionales comme nationales ont démontré que, contrairement à une certaine idée reçue, leur image est bien plus positive. Par exemple, la dernière enquête BVA précise que 72% des conseils syndicaux interrogés sont prêts à renouveler le mandat de leur syndic.

Tout n'est pas si mauvais : on va rester attentif et remplir ainsi nos rôles de gendarme, d'alerte et de conseil.

Batiactu : La conjoncture actuelle n'est pas très encourageante...

Serge Ivars : Nous nous attendons à des mois difficiles, notamment à cause du resserrement des capacités financières des copropriétaires, face à de nombreux frais à couvrir, travaux d'entretien, charges, diagnostic... Du côté des transactionnaires, nombreux ont vu leur chiffre d'affaires chuter. L'exercice de notre métier est de plus en plus difficile.

Batiactu : De nombreux nouveaux équipements sont demandés aux copropriétaires...

Serge Ivars : Du point de vue de la sécurité, on n'en a toujours pas terminé avec la mise en conformité des ascenseurs ; parallèlement à cela, de nouveaux textes concernant la santé sont adoptés : contrôle d'électricité, plomb, amiante, etc. Idem pour l'environnement... Tout cela, personne ne peut dire que cela n'est pas bien, bien sûr, mais il reste que cela occasionne de nombreux frais ! Cela nous rend inquiets quant à la capacité de nos clients à supporter toutes ces dépenses nouvelles. Certains même s'y opposeront et cela engendrera de nouveaux conflits...

Batiactu : N'avez-vous pas, malgré cela, une quelconque touche d'optimisme pour 2009 ?

Serge Ivars : Je suis d'une nature assez optimiste ! Au moment où l'on touche le plancher, on rebondit. Des crises, il y en a déjà eu auparavant. Après, évidemment, je ne peux pas prédire sa fin... Ce qu'il faut retenir, c'est que cela repartira et, dans ce cas, les plus rigoureux et les plus compétents en sortiront grandis.

Batiactu : Si vous pouviez formuler des voeux pour la nouvelle année...

Serge Ivars : Je souhaite que les professionnels les plus rigoureux le restent, voire le soient de plus en plus. Que tous, de même que nos copropriétaires et nos clients, aient un comportement responsable. En temps de crise, il n'y pas de place à l'improvisation.

 

 

*Contrats de syndics : la grogne, toujours !
L'Arc, la CGL, la CLCV, la CNAFC, l'UFC-Que Choisir, l'UFCS déclarent conjointement le 6 janvier, réclamer des "règles claires" quant aux prestations des syndics dénonçant "tout au plus (...) 50% de conformité" des contrats de syndics avec l'avis du Conseil National de la consommation (CNC) du 27 septembre 2007 concernant leur transparence. Les associations demandent que cet avis fasse désormais l'objet d'une publication sous forme d'arrêté, précisant de manière réglementaire la liste de prestations de gestion courante, afin d'éviter tout abus.
Par ailleurs, le même jour, l'Arc publie un communiqué virulent sur les chiffres de la Cnab concernant les charges de copropriété. Sous le titre, "La Cnab et la 'rentabilité' de l'activité 'syndic de copropriété' : honoraires de syndic et grosses cachotteries", l'association de copropriétaires dénoncent le fait que la confédération des administrateurs de biens n'ait pas pris en compte les recettes appelés "produits financiers" dans son étude de rentabilité des cabinets. "On s'aperçoit, explique le communiqué, (...) que faute d'être précis sur ce qui est intégré dans le chiffre d'affaires 'syndic' les résultats de la Cnab - déjà biaisés (non prise en compte des produits financiers - sont peut-être en plus faussés." Interrogé par Maison à part, Serge Ivars, président de la Cnab, se "refuse à répondre aux attaques de l'Arc qui se veut systématiquement polémique". Il tient à préciser que cette étude est réalisée par un "organisme à la compétence internationalement reconnue", PricewaterHouse Coopers, dont on ne peut douter. "Les produits financiers ne sont pas cachés, la preuve : l'auteur de l'étude le précise, explique Serge Ivars, l'étude n'a porté que sur les honoraires liés à la partie de compétence syndic des administrateurs de biens, hors les autres activités habituelles, telles que la gérance ou encore l'expertise. On ne cache rien."